Chapitre XII - Tout commence où tout finit
Quatre-vingt
ans plus tard, à Bannockburn, Ecosse.
Nathanael
errait dans les rues de Bannockburn, une petite ville écossaise,
composée principalement de pavillons alignés les uns à côté des
autres.
Depuis
la mort d'Elvira il n'avait cessé de compter les jours, les années,
elle lui manquait et ne parvenait pas à oublier.
Il
n'avait plus jamais revu ni Lüdwig et Geillis, ni Julia, qui le
tenaient pour responsable. Et il l'était, il avait tué Elvira de
ses mains, même sous l'emprise de Zhoran, il était certain que la
haine qu'il ressentait aurait amené la même fin. Il savait au fond
de lui que jamais il ne pourrais se le pardonner.
Elvira
avait fait beaucoup d'erreurs dans sa vie, mais elle ne méritait pas
ça. Elle n'avait pas mérité cette mort. La culpabilité restait sa
seule compagnie depuis ce jour.
Il
avait toujours cru que se venger d'elle aurait apaisé sa colère,
mais en réalité, ça n'avait fait qu'empirer. A présent qu'il
comprenait ce qui avait poussé Elvira à le transformer, il lui
avait pardonné.
Elle
était morte sans avoir été absoute, ça le rendait plus
mélancolique que jamais, parce qu'il n'avait jamais cessé de
l'aimer, à présent il regrettait de ne jamais le lui avoir dit.
Cette
erreur là était irréparable.
Depuis
le jour de sa mort, il était resté absolument solitaire, il avait
d'abord passé deux ans enfermé dans la maison du Loiret, celle où
Elvira aurait aimé passer les siècles à venir. Il y avait ramené
tous ses livres, ses valises emplies de souvenirs. Il n'avait pas pu
se résoudre à les abandonner, car c'était la tout ce qui restait
d'elle.
Au
terme de ces deux ans, n'y tenant plus, il parti sur les routes,
errant ça et là, sans vraiment savoir où il allait.
Il
avait ainsi traversé la plupart des pays auropéens, puis il parti
en Amérique, où il resta quelques années, traversant un par un les
Etats Unis, puis les provinces canadiennes. Arrivé à Montréal au
bout de tant de temps, lassé, il voulu enfin retourner dans son
pays natal, l'Angleterre.
Il
vécu à Londres un bon moment, mais rien n'apaisait sa douleur. Il
fut obligé de quitter l'Angleterre après qu'un homme l'ait surprit
en train de voler des poches de sang dans un hopital.
C'est
ainsi qu'il vint en Ecosse, qu'il traversa de part en part, remontant
d'abord le pays vers le nord, par l'est, jusqu'à Inverness, puis le
redescendant par l'ouest, jusqu'à Stirling, puis enfin Bannockburn
qui se trouvait à quelques kilomètres au sud.
Bannockburn
était une ville à l'histoire interressante, cise entre Glasgow et
Edimbourg, au sud de la Forth; elle était un lieu légendaire, où
Robert Bruce, roi d'Ecosse entre 1306 et 1329, avait défait les
anglais en 1314. Une victoire que les Ecossais commémoraient encore
après six siècles. Malheureusement, cette victoire bien que
décisive, n'avait pas réussi à garder les anglais loin de
l'Ecosse, celle-ci finit par tomber sous leur joug.
Nathanael
ne put s'empêcher de penser qu'Elvira était née peu après cette
période, elle avait vécu une bonne partie de l'histoire écossaise.
Elle avait dû voir l'Ecosse tomber lentement mais surement entre les
mains des anglais. Lui ne connaissait l'Histoire de l'Ecosse que
parce qu'on la lui avait enseignée dans sa jeunesse.
Il
n'avait pas choisi Bannockburn sciemment, cependant il trouvait là
un peu d'apaisement. Les habitants de ce hameau étaient si
paisibles, ordinaires en somme.
L'Ecosse
était un pays où la réalité et les légendes s'emboitaient, l'un
allant rarement sans l'autre dans son histoire. L'Ecosse était
incontestablement le pays des légendes.
Etant
lui même une légende, Nathanael se sentait chez lui en ces lieux.
Cela
faisait maintenant plusieurs dizaines d'années qu'il vivait à
Bannockburn. Il vivait dans un pavillon qui avait été laissé à
l'abandon après que son locataire ait disparu sans laisser de
traces.
Personne
ne semblait savoir qui vivait là auparavant, c'était en fait comme
si ce personnage n'avait jamais existé. Un soir il avait demandé à
un passant qui occupait ces lieux, cette personne avait été
incapable de répondre. Il lui avait répondu, un peu géné, qu'il
savait connaitre la réponse, mais celle-ci restait bloquée dans sa
mémoire. Il avait eu beau chercher, essayer, rien.
L'homme
lui confia que c'était comme avoir un mot sur le bout de langue, on
savait qu'il existait, on savait connaitre ce mot, mais impossible de
le retrouver.
Il
lui confia alors qu'une légende urbaine racontait que la maison
avait été le refuge d'un esprit maléfique, une sorte de présence
fantômatique. Bien sûr ce n'étaient que racontars, cela n'avait
rien de réaliste, on avait créé cette légende parce que comme ce
passant, personne ne parvenait à se rapeller qui vivait là.
Le
propriétaire lui-même savait avoir reçu des loyers pendant des
années jusqu'à il y avait cinq ans, sans se rapeller qui les
payaient, d'autant que les fiches de loyer avaient disparu elles
aussi.
Ce
mystère faisait la joie des amateurs de paranormal. Mais dans le
fond, de ce mystère personne ne s'en souciait. La maison avait été
laissée vide, personne ne voulait la louer.
Alors
Nathanael avait pris posséssion du lieu. Afin de pouvoir le garder,
il avait trouvé un boulot, il était gardien de nuit dans une
morgue.
Quelle
ironie! Un cadavre entouré de cadavres. Cela lui permettait de payer
le loyer modeste de la petite maison de Carseview, au bout de
Station Road, l'avenue principale de Bannockburn.
Le
propriétaire n'avait guère été très regardant sur l'apparance
glacée du nouveau venu, tant qu'il percevait à nouveau des loyer
pour cette barraque. Il ne les recevaient d'ailleurs jamais en mains
propres, Nathanael et le propriétaires ne s'étaient rencontrés
qu'une seule fois. Ainsi, depuis près de soixante ans que Nathanael
vivait là, l'homme n'avait jamais eut loisir de s'apercevoir que son
locataire ne vieillissait pas.
Nathanael
se faisait tellement discret que personne ne sembla même
s'apercevoir de sa présence. Ceux qui visitaient la morgue ne se
souvenaient guère du gardien. Qui plus est, il n'avait pas de
collègues, et son employeur ne s'intérressait pas à lui, se
contentant de lui faire parvenir son salaire.
C'était
une vie mêlée d'ennui et de quiétude. Personne, à son immense
satisfaction, ne venait troubler sa solitude.
Il
passait les journées cloitré dans l'obscurité de sa demeure, à
noyer ses regrets et sa douleur dans le whisky. Cela n'avait pas
l'effet d'ivresse, mais il espérait qu'en se remplissant ainsi elle
viendrait peut-être. Il voulait oublier. Oublier sa vie, oublier
Elvira, il voulait juste reprendre pied. Mais chaque fois qu'il ne
devait penser aux choses matérielles, son travail, son loyer, alors
les yeux d'Elvira, si emplis de douleur, lui revenaient en mémoire.
Elle
ne l'avait jamais quitté, et il savait tout en voulant ardament le
nier qu'elle ne le quitterais jamais.
Tous
les amis qu'il avait étant humain étaient morts sous ses yeux, il
avait su faire face, il faisait avec, il avait tenu le coup, parce
qu'il n'avais pas eu le choix. Mais perdre Elvira, tuée de ses
mains, la femme qu'il aimait, qui avait fait de lui ce qu'il était,
ce n'était pas quelque chose dont il pouvait se remettre.
Souvent
le soir, entre la tombée de la nuit et l'heure où il devait se
rendre à la morgue, il prenait la direction de l'est, au milieu de
champs à quatre cent mètres de Caresview. Là se trouvait un
endroit reculé de tout, une petite mare ceinturé de rochers, qui
scintillait paisiblement sous les étoiles. Il s'y posait, assis sur
l'herbe humide et parlait à l'infini, espérant que l'âme d'Elvira
pourrait l'entendre.
Il
lui répétait ô combien il était désolé, conscient que rien ni
personne ne pourrait lui accorder son pardon. Il se savait
inexcusable. Il avait juste besoin de parler, il avait besoin de
l'espoir que les morts puissent entendre les vivants - ou les
vampires.
Un
de ces soirs de "conversation" avec l'infini, il fut
ébranlé par une sorte de secousse. Une vibration. Il se releva avec
effroi, ce son lui avait instantanément rappellé celui qui émanait
de Zhoran lorsque celui-ci avait prit le contrôle de son âme.
Sur
le qui-vive, il s'attendit à voir le Gardien descendre du ciel. Il
n'en fut rien. Du néant apparut un homme, a la forte carrure, les
épaules larges, musclé, il semblait avoir dans les quarante ans.
Ce
n'était pas Zhoran. Nathanael en fut soulagé, mais il demeurait
prudent. L'homme, lui aussi, sembla surprit de la présence de
Nathanael.
Ce
dernier lança à l'intention du nouveau venu:
"
D'où sors-tu? Qui es-tu?
L'homme
sembla sourire, le visage à demi caché dans l'ombre. Il parla à
son tour.
-Je
me souviens avoir posé la même question il y a longtemps... Je
m'apelle Kenneth MacEnruig, je viens d'un monde où règnent les
légendes.
-J'ai...
entendu parler de ce monde.
-Dans
ce cas je n'ai pas besoin de te faire un spitch!
-Non,
je suppose, non. Que viens-tu faire ici?
-Je
suis né ici, dans cette ville, dans ce monde. Je suis venu pour,
disons, régler une affaire. Il y a déjà bien longtemps que Kelan,
ma femme, est venue me chercher. Elle est fille du peuple d'Ambre,
c'est un peuple qui a pour but de réconcilier le monde des humains
et le monde des fééries.
-Tu
es revenu pour faire quoi exactement?
-Pour
la raison que je viens de te dire. Quand je suis parti, je suis en
quelque sorte devenu une légende. Aujourd'hui je viens pour révéler
au monde ce qui m'est arrivé, pour que chacun connaisse l'existence
des mondes.
-Alors
c'est toi... C'est toi qui vivait autrefois dans la maison que
j'occupe? Les gens racontent qu'elle était habitée par un démon.
Je comprend mieux, maintenant.
-Tu
vis chez moi? Je suis content que quelqu'un ait repris cette maison.
Kenneth
fronça les sourcils et demanda:
-Mais
au fait, je ne sais pas qui tu es, toi.
-Nathanael
Witmore. Je suis un vampire. Mais ne t'en fais pas, voilà presque
cent ans que je n'ai plus gouté au sang d'un être humain vivant.
-Voilà
qui est rassurant..., répondit Kennteh, esquissant un sourire gêné.
Je ne m'attendais déjà pas à ce quelqu'un s'attarde ici, je
m'attendais encore moins à un vampire! Y a-t-il une raison à ta
présence?
Après
un long silence, Nathanael répondit enfin.
-Il
y a longtemps maintenant, j'ai... perdu un être qui m'était cher.
Je viens ici me receuillir.
-Je
comprends. Cet être était un vampire, comme toi?
-Oui,
mentit Nathanael.
Il
ne voulait pas que l'inconnu sache que la dernière représentante de
la race des Dhampire, la race la plus importante pour tout les
mondes, était morte. De ses mains qui plus était.
-Sais
tu qu'il existe un monde réservé aux morts? reprit Kenneth. Dans la
mythologie Nordique, on l'appelle Hellheim.
-Oui,
oui, on m'en a parlé.
-Dans
ce cas tu dois savoir que ton ami a rejoint ce monde?
-Quoi?
Non, c'est impossible, elle... non.
-Il
est vrai que beaucoup de portes menant à ce monde se sont fermées
depuis quelques temps, piégeant dans ce monde nombre d'âmes
humaines, mais lorsqu'un vampire meurt, son âme rejoint ce monde.
C'est un passage obligé. Ni la Gardienne Hel, ni le Gardien suprême
ne pourraient empêcher les âmes des morts de rejoindre son monde.
-Le
Gardien suprême... Zhoran, prononca Nathanael avec dégout.
-Zhoran,
oui. Comment le connais-tu?
-C'est
une longue histoire, et je ne tient pas plus que ça à y revenir.
-Zhoran
est le Gardien de tous les mondes, mais il est aussi Niddoghr, le
serpent qui dans la mythologie ronge les racines d'Yggdrasil. Je ne
sais pas ce que tu sais de lui, mais Zhoran est un être double. Il
est le bien et le mal, le Yin et le Yang, il est le créateur et le
destructeur. Ses deux moi sont maintenus dans un status quo, il ne
peut faire le bien sans le mal, ni faire le mal sans le bien.
-Ce
n'est pas ce que j'ai constaté.
-Impossible.
Aucun de ses deux moi ne peut prendre le pas sur l'autre.
-J'ai
menti. Elvira, l'être cher que j'ai perdu, n'était pas un vampire.
Je te dois la vérité. Elle était la dernière dhampire. Il l'a tué
en prenant le contrôle sur moi. Il m'a avoué son but de détruire
les mondes.
Kenneth
resta silencieux un moment, plongé dans ses réflexions.
-C'est
une catastrophe... Je pense savoir ce qui s'est passé. Les dhampires
sont les seuls à pouvoir influer sur l'espace et le temps. Zhoran
est leur création. Or, si Zhoran est devenu ce que tu décris...
Alors cela veut dire qu'un dhampire à changé l'ordre établis. Nous
devons retrouver le dernier dhampire et l'amener à réparer le
Gardien pour qu'il retrouve son équillibre.
-Mais
je te l'ai dit, le dernier dhampire est mort!
-Non.
Nathanael, les dhampires ne sont pas différents des humains et des
vampires. Lorsqu'ils meurent, ils rejoignent Hellheim.
Nathanael
senti des larmes couler sur son visage en entendant les paroles de
Kenneth.
"Elvira
est vivante"
se disait-il.
-Alors
nous devons nous rendre à Hellheim, retrouver Elvira et la ramener!
s'écria le vampire, soudain empli d'espoir.
-Ce
n'est pas si simple. Ma fille, Arianell, a découvert récemment que
toutes les portes entre ton monde et Hellheim étaient closes. Pour
rejoindre Hellheim, nous devrons emprunter des portes qui ne se
trouvent pas dans ce monde. Zhoran a bien prévu son coup. Il devait
savoir l'importance de la dhampire, aussi il s'est mis à refermer
une par une toutes les portes de ce monde, afin qu'il soit
inaccessible...
-Mais
c'est faisable, si nous faisons vite, nous pouvons encore rejoindre
Hellheim.
-Nous
n'avons pas le choix. Tu dois repartir avec moi dans le monde des
fééries. Tu as connu la dernière dhampire, elle était ton amie à
ce que tu m'as dit, alors tu dois venir avec moi.
-Elle
était bien plus qu'une amie. Je n'ai d'autre but que de la
retrouver.
-Ensemble
nous allons la retrouver, et la ramener."
Sur
ces mots, Kenneth, entraina Nathanael à travers le passage situé
entre les deux rochers qui dominaient la mare aux eaux transparantes.
Ils
débouchèrent sur cette même mare, mais quelque chose semblait
différent. Il n'y avait pas les lueurs de la ville au loin. Soudain
un dragon blanc passa au dessus d'eux, celui-ci se posa non loin, et
appella Kenneth d'une voix rocailleuse.
Nathanael
resta figé sur place tandis que Kenneth répondait au dragon.
Nathanael n'entendit pas leurs paroles, ne reprennant ses esprit que
lorsque l'homme le secoua, l'invitant à monter sur le dos du dragon
qu'il nomma Himrod.
Kenneth
et Nathanael prirent place sur la selle de Himrod, qui s'envola
aussitôt, au dessus de prés illuminés par la pleine lune. En
contrebas Nathanael aperçut des créatures qu'il pensait nées de
l'imaginaire de vieux écrivains. Sous ses pieds vivaient les
légendes et les mythes.
Une
émotion qu'il n'avait plus ressenti depuis des siècles- le bonheur,
succéda à l'émerveillement.
Seuls
ces mots vibraient dans son esprit: "Elvira
est vivante".
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Fin du Tome 1.
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Fin du Tome 1.
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