Chapitre
VIII – La Vagabonde du Sjaelland
Comme
l’avait prévu Lüdwig; Klaus, Rachel, Astrid et ses frères
Stephen et Erik, arrivèrent le lendemain aux alentours de trois
heures du matin. Aussitôt accueillis et les présentations faites,
ce fut au tour de Julia d’apparaitre, comme convenu.
«
Bien. Commença Lüdwig. Si je vous ai fait venir aujourd’hui, mes
amis, c’est pour qu’ensemble nous aidions Elvira à trouver des
réponses. Il y a longtemps, elle est devenue vampire, et mue par un
désir de vengeance que vous comprenez, j’en suis sûr, elle s’est
mise à la recherche de son agresseur. Récemment, elle a obtenu des
informations capitales à ses recherches.
Elvira
raconta alors la révélation faite par Nathanaël, puis les
informations acquises au Black Diamond.
-Comment
pouvez-vous être certaine qu’il s’agisse là d’informations
fiables ? demanda Erik. J’espère bien, Lüdwig, que tu te
rends bien compte que tu nous as fait venir dans le but de chercher
un mythe.
-Oui,
répondit celui-ci, mais cela n’a rien d’aberrant. Ne sommes-nous
pas nous-même des mythes ? Julia n’est-elle pas un mythe ?
-Certes, dit
alors Klaus. Heir Lüdwig, Frau Geillis, nous avons répondu à votre
demande car nous pensions savoir à quoi nous en tenir. Elvira, vous
m’avez l’air d’une personne intelligente, mais êtes-vous
certaine de ce dans quoi vous vous engagez ?
-Certaine,
Heir Klaus. Sans nul doute. J’ai confiance en Nathanaël, il ne
m’aurait jamais mise sur une fausse piste sachant l’importance
que tout cela a pour moi.
-Je puis
l’affirmer également, renchérit Julia. Je suis télépathe, et…
Oh !
-Julia…
murmura Elvira. Alors c’était vrai.
-Quoi,
encore ? souffla Erik. Qu’allez-vous nous annoncer, à
présent ?
-Cette
partie de l’histoire ne concerne que moi.
-Allons
bon !
Astrid prit
la parole lorsque l’agacement de son frère devint insupportable
pour les nerfs.
-Frère,
laisse-moi te dire une chose. Tu n’es qu’un petit con !
Doublé d’un égoïste, si tu veux savoir ce que je pense. Une
femme à l’évidence déterminée à connaitre la vérité te
demande ton aide, et toi tu la refuse sous prétexte que les détails
ne te conviennent pas ! Réfléchit un peu, sombre crétin !
Lüdwig ne nous aurais jamais mandé s’il n’avait été certain
du bien fondé de ses recherches !
-Tu
m’emmerde, à la fin ! Tout ce que je dis, c’est que le
fruit de ses recherches est une Ase, Astrid ! Une Ase !
-Tu as un
esprit tellement étriqué, mon pauvre frère, tu es pourtant bien
placé pour pouvoir croire que les mythes existent ! Tu en es la
preuve, bon sang !
-Notre
existence n’a rien de commun avec ce que cherche cette femme !
-SILENCE !
La voix de
Stephen résonna dans l’air un instant, Erik et Astrid se turent,
ébahis de voir leur frère hurler de la sorte, lui qui d’habitude
était si calme.
Ce fut
Elvira qui brisa le silence.
-S’il vous
plait, cessez de vous disputer. Ce n’est pas ce que je souhaite.
Vous n’êtes pas tenus de rester si la tâche vous parait
impossible à mener. J’aimerais néanmoins que vous compreniez que
j’ai moi-même eut du mal à croire qu’une telle chose soit
envisageable. Mais Astrid à raison, je suis là, pourtant, nous
tous, nous sommes des créatures dont parlent les mythes anciens.
Vous pensez qu’un mythe ne peut pas être ? Songez seulement
que vous existez, envers et contre tout. Lorsque Nathanaël m’a
parlé de Zhoran, et d’Yggdrasil, je me suis d’abord montrée
incrédule, presque autant que vous. Mais j’ai fini par me dire,
pourquoi pas, puisque j’existe. Je ne vous force pas à rester.
Partez si vous le désirez, mais je vous interdis de croire qu’une
chose puisse être impossible. Rien ne l’est, tout est
envisageable, même la plus folle des idées nées d’un fou. Il y a
des millénaires en Babylone naissait un mythe. Nous.
Souvenez-vous-en.
Elle tourna
le dos au groupe et avança vers un angle de rue auquel elle
s’appuya, l’air exténuée. Comme si le poids d’un univers
pesait sur ses épaules. Elle songea à Atlas, le Titan condamné à
porter la voute céleste. Un instant seulement Hercule le soulagea de
son fardeau. Elle espérait tellement que ce fut le cas pour elle.
-Oh, ne
demande pas Hercule, Elvira, miaula Julia. Tu oublies la suite de
l’histoire. Lorsqu’Atlas revint du jardin des Hespérides avec
les pommes d'or, celui-ci proposa à Hercule de les amener lui-même
à Eurysthée. Hercule, qui n’était pas idiot, feinta Atlas en lui
demandant de le remplacer quelques instants afin qu’il puisse
s’installer plus confortablement. Atlas reprit sa place, et dupé,
la garda pour l’éternité. Choisit quelqu’un qui ne saurai te
duper.
-Je saurais
me souvenir de ton conseil, Dame-Chatte. Répondit Elvira en
souriant, le cœur apaisé.
-Mesdames,
nous avons convenu d’un accord. Intervint Geillis.
Celle-ci les
reconduisit auprès du groupe. Klaus et Erik semblait encore nerveux,
mais Julia rassura Elvira en lui susurrant à l’oreille qu’ils
étaient juste en train de bouder. Rachel parla pour la première
fois depuis leur rencontre.
-Elvira, mes
compagnons et moi-même avons décidé de t’aider. Tes paroles ont
touché mon cœur, celui d’Astrid et de Stephen. Sans compter tes
amis, bien sûr. Or à cinq contre deux, le choix a été facile. Il
a en outre été convenu que nous nous partagerions l’île. Klaus
s’occupera de la région de Pragstø, au sud ; Astrid,
Naestved, au centre de l’île ; Stephen, Helsingør, au nord ;
Erik, Roskilde, à l’ouest de Copenhague ; Lüdwig et Geillis
s’occuperont des îlots voisins du Sjaelland, Lolland, Falster et
Møn principalement. Quand à Julia, elle a été désignée pour
visiter Korsør, à l’ouest de l’île, ainsi que Køge, à
l’est ; et moi Hillerød, au nord. Et enfin, toi, Elvira, tu
as été assignée à Kalundborg au nord-ouest. Nous commencerons les
recherches dès demain. Pour l’heure, nous aimerions dîner.
-Bien. Merci
à tous.
Erik et
Klaus ronchonnèrent, et les autres se confondirent en « Oh
mais ce n’est rien ».
-Heureusement
que nous ne fouillons pas un grand pays, plaisanta Stephen, sinon à
huit nous y passions le prochain siècle ! »
Ce fut
finalement sur cette note joyeuse que les huit compagnons se mirent
en quête d’un dîner. Chacun ayant reçu un jour les enseignements
de Lüdwig concernant la chair humaine et la chair animale, tous se
réjouirent d’une tournée de steaks. Seule Elvira fit semblant
d’être heureuse, mais cela ne trompa pas Julia.
«
Elvira, je commence à croire que tu es bien plus mystérieuse que tu
n’en a l’air, ce qui pourtant semble assez difficile…
-Que veux-tu
dire ?
-Tu ne ris
pas.
-Non… j’en
suis incapable. Je suis vampire, Julia, je ne ressens rien.
-Tes amis
rient pourtant.
-Je le vois
bien. Ils ne font pas semblant ?
-Non. Ils
rient de bon cœur. Elvira, toi seule t’empêche d’accéder à un
réel éclat de rire. Du moins c’est ce que je perçois de toi. Je
suis télépathe, je ne possède pas toutes les clés,
malheureusement.
-Julia,
parle-moi de Nathanaël. Il est ici, je le sais, cela t’as échappé
tout à l’heure. Que…
-Il
t’observe, Elvira, mais son regard n’est jamais malveillant. Il
te surveille de loin car il pense que tu risques quelque chose.
-L’autre…
-Non, je ne
pense pas. Il n’est pas question d’une menace humaine, dans ses
pensées… ou alors elle a existé mais n’est plus. L’autre,
celui qui te veux du mal, est un homme, pas un vampire, mais son âme
est aussi noire que celle d’un démon. Je ne parviens pas à savoir
pourquoi exactement il veut ta perte, mais c’est un fait, il la
veut.
-Si les
craintes de Nathanaël n’ont pas de lien avec l’autre homme,
alors… pourquoi ? Que pense-t-il ?
-C’est
justement le fait de connaitre ses pensées qui te mets en danger. Je
ne peux pas risquer de te les révéler, il le fera lui-même, le
moment venu.
-Il n’y a
pas à discuter…
-Je crains
que non. En tout cas pour ce qui est de l’autre, demain, et les
jours suivants, je garderai mes oreilles ouvertes, et je saurai venir
à toi assez rapidement si jamais j’entendais quelque chose qui
signifierai un quelconque danger pour toi. Je commencerais les
recherches dès l’aube, ainsi, je pourrais te rejoindre. Cela dit
je pense que si jamais quelque chose te menaçait, Nathanaël se
montrerais alors. Je pense qu’il a peur pour toi.
-Hum, j’en
doute. Nathanaël me hais, c’est le cas depuis des décennies.
-C’est à
moitié vrai, mais il ne ressent pas que de la haine. Il y a de
l’amour aussi.
-Comment
cela pourrait-il être vrai ? J’ai fait de lui un cadavre
buveur de sang.
-Là ses
pensées se brouillent trop pour que je puisse saisir les subtilités.
Mais sois en sure, Elvira, il n’y a pas que de la haine dans son
cœur. Si tu prenais conscience de toutes tes capacités, tu pourrais
l’entendre aussi.
-De quoi
parles-tu ?
-La beauté
n’est pas notre seul point commun, chère amie, je sens quand
quelqu'un à la capacité de lire mes pensées. Concentre toi sur mon
esprit, visualise-le, et prend soin de ne pas effacer trop rapidement
les images, les impressions qui te submergent.
Elvira
s’exécuta et quelques minutes plus tard :
-Je vois…une
boite de thon ?
-Je n’ai
rien trouvé de mieux. Entraine-toi, et bientôt tu sauras entendre
les mots.
-Comment
est-ce possible ?
-Tu as de
nombreuses qualités, Elvira, seulement tu les ignores. Bon, je
vais dormir un peu. A demain, Elvira.
-A demain.
Et…merci.
-Tu me
plais, Dame-Vampire.
-Tu me plais
aussi, Dame-Chatte.»
Julia
partie, Elvira fit ce qui commençait à devenir une habitude :
se poser des questions auxquelles elle ne pouvait trouver de
réponses.
La soirée
s’acheva à l’hôtel, où chacun regagna sa chambre. Il n’y
avait plus assez de place pour tout le monde, mais l’hôtelier
permit à Elvira, Lüdwig et Geillis de partager leurs chambres, pour
un prix raisonnable. Elvira partageait sa chambre avec Rachel, qui
s'était déjà endormie à peine arrivée.
Le gérant
de l’hôtel devait être soit très gentil, soit stupide. Elvira
l’enviait pour la tranquillité qu’il devait vivre au quotidien.
Des journées banales, des nuits de sommeil emplies de songes doux et
tranquilles.
Trop tard.
Beaucoup trop tard pour espérer la banalité.
La pluie se
brisait sur son carreau. On se serait cru dans un vieux film en noir
et blanc, sans couleurs, mais riche de symboles, d’espoir. Ici tout
était noir, mais sans rien de beau. Tout est si sale. C’est ça,
la réalité ?
Heureux les
ignorants, dit-on. Ils ne voient pas la douleur, tout ce qui est sale
et froid. Il y a une chaleur dans leur âme, peuvent-ils seulement la
voir ?
Je sais que
tu es là, je ne peux pas te voir, seulement savoir que tu es là. Tu
as tellement le droit de me haïr, mais sais-tu seulement à quel
point j’aimerai que tout soit différent. J’aimerai tant revenir
en arrière, rester sourde aux bruits qui m’ont amenée à faire
ces choix. Si seulement tu pouvais comprendre. Dans un monde où je
ne sais plus ce qui est vrai, j’aime tant me raccrocher à l’idée
que tu existes, je déteste tant l’idée qu’il m’ait fallu
exister pour que tu sois là.
Chaque choix
est nécessaire, ils amènent à une conclusion inévitable, que
personne ne peut changer. L’avenir n’est certes pas gravé dans
la pierre, mais doit-on espérer changer le cours des choses ?
Ce qui est fait ne peut être changé. Seuls comptent les choix, bons
ou mauvais. Y a-t-il un mauvais chemin que l’on doit éviter à
tout prix ? Comment savoir si celui que l’on emprunte est le
bon ? On ne le sait que trop tard, et il est impossible alors de
revenir sur ses pas.
Pour Elvira,
il est trop tard, elle ne peut remonter le cours du temps.
Elle resta
là de longues minutes à observer les gouttes de pluie, le temps
changer, tout changer, sans elle. Comme une spectatrice malheureuse
qui ne peut influer sur ce dont elle est témoin.
C’est ça,
la réalité ?
Dans son
sommeil, Elvira vit Nathanaël, qui riait au-dessus de son cadavre.
Puis il se mit à pleurer et murmura quelque chose… « Ta main
dans la mienne. » Ce n’était pas un souvenir. Elle ne
pouvait pourtant pas rêver.
Rachel la
réveilla le soir venu. Le temps était venu de se séparer, et de
chercher. Il était convenu que Julia servirait de messagère, afin
de les rassembler une fois les recherches terminées. Il fut décidé
en outre que chacun resterais au moins quatre jours sur place, afin
d’exploiter au mieux toutes les ressources.
Chacun se
dirigea vers la destination assignée par Rachel.
Kalundborg
était une ville portuaire, faisant partie d’une agglomération
comprenant
celle-ci, Gørlev, Hvidebæk, Bjergsted et Høng ; située à
environ 92 kilomètres de Copenhague.
Elvira
s’était procuré une brochure afin de mieux connaitre la région.
Elle apprit en l'occurence l’existence d’une église singulière,
d’un fort construit dans le creux d’un fjord- dont aujourd’hui
il ne reste que les fondations ; et appris également que la
ville comptait environ 50 000 habitants pour une superficie de
six-cent kilomètres carré.
Le
port était tranquille à cette heure du soir, et l’eau clapotait
doucement sur les bateaux amarrés. La ville était en fait composée
de petites maisons aux couleurs chaudes, alignées les unes à côté
des autres. Au nord il y avait le port industriel, la raffinerie ;
à l’est, des champs s’étendaient. Au cœur de la ville, c’était
comme un parc géant, les espaces étaient presque tous bordés
d’arbres et de bosquets, il devait sans doute y avoir autant de
parcs verdoyants que de maisons.
Elle
ne savait par où commencer. Il allait de soi qu’il ne serait pas
évident de questionner les habitants au sujet de l’existence
hypothétique d’une déesse dans leur région.
Elle
entreprit de se rendre d’abord à l’office de tourisme afin de
savoir où elle pourrait en apprendre plus sur l’histoire du lieu.
Cela l’aiderait sans doute, du moins elle l’espérait.
Sa
brochure indiquait l’adresse : 7,
Klosterparkvej. Celle-ci fermait néanmoins à seize heures, or à
cette époque de l’année le soleil se couche à vingt heures sur
le Danemark. Mauvais point de départ pour l’instant. Pour le
matin, même problème, le soleil se lève avant l’ouverture de
l’office.
Il
ne lui restait plus qu’à téléphoner en espérant qu’ils ne lui
demandent pas de se déplacer. Mais pour l’heure il n’y avait
plus grand-chose à faire, alors elle entreprit de vagabonder au
hasard des rues.
N’ayant
rencontré personne, elle finit par s’asseoir pour observer la vue
en contre plongée du port. Malgré l’obscurité elle pouvait voir
les machines s’activer. Elles diffusaient une lumière douce en
pointillés mouvants.
Elvira
se demanda si les recherches de ses compagnons étaient fructueuses.
Pour Julia, peut-être, elle était la seule à pouvoir entreprendre
des recherches de jour, et à pouvoir entendre les pensées des gens.
Elvira
sursauta a cette pensée. C’était tellement évident. Si Julia
avait raison, elle aussi avait cette capacité. Comment avait-elle pu
vivre tout ce temps sans s’en rendre compte ? Quelque part,
elle ne s’en sentait pas vraiment capable, mais elle devait au
moins essayer. Par où commencer ? Trouver un sujet, d’abord.
Or
à cette heure-ci, peu de chance qu’elle trouvât un sujet d’étude
convenable. Peut-être vers le port, il devait sans doute y avoir
encore quelques ouvriers au travail pour s’occuper de la
machinerie.
Elle
se dirigea donc dans cette direction. Il y avait en effet quelques
hommes encore au travail. Elle se concentra sur l’un d’eux,
faisant le vide dans son esprit. Elle n’entendit rien, d’abord,
puis une espèce de bourdonnement diffus. Un chuchotement, plutôt,
mais presque inaudible. Elle se concentra d’avantage.
Le
bruit ne se fit pas plus net tout de suite, Elvira fut d’abord
assaillie d’images et de sensations. Puis un mot. Se concentrant de
plus en plus elle put alors entendre une pensée claire et distincte.
L’étonnement
fut total pour Elvira, jamais elle n’aurait pu s’imaginer capable
de lire les pensées. D’un côté, elle s’en félicitait, du
moins en ce qui concernait la tâche à accomplir ; d’un autre
côté, elle se dit qu’elle était stupide de ne s’en être
jamais rendu compte. Après six cent ans, comment avait-elle pu
passer à côté d’un détail aussi important ? Si elle
l’avait su plus tôt, elle aurait pu comprendre tellement de
choses.
Pas
le temps de se lamenter.
Elvira
passa la nuit à sonder les esprits, sans grand résultat. Les gens
n’avaient pas choisi cette nuit précisément pour songer à une
déesse. Le mieux serait encore d’attendre et de guetter.
Le
lendemain, elle appela l’office de tourisme, comme elle l’avait
décidé. La femme qu’elle eut au téléphone ne lui apprit pas
grand-chose. Ses connaissances en ce qui concernait les légendes
liées au pays s’avéraient limitées. Néanmoins, elle se montra
sensible à la curiosité d’Elvira, et lui parla d’un personnage
connu dans la région de Kalundborg. Un certain Gabriel Svenson, un
vieil homme qui d’après la standardiste était passionné par sa
ville et son histoire, auteur d'un livre sur le sujet qui faisait la
fierté des riverains.
Adresse en
poche, elle y fut le soir même. Svenson l’accueillit avec sourire
lorsqu’elle lui eut exposé les raisons de sa visite. Du moins sans
bien sûr évoquer les raisons qui eurent révélé sa nature.
L’homme
introduisit Elvira dans un salon modeste mais richement décoré. Les
meubles semblaient être taillés dans du bois massif, un tapis aux
couleurs fanées était cerné par un canapé de cuir marron et un
meuble surmonté d’un poste de télévision qui semblait tout droit
sorti des années soixante. L’un des murs était entièrement
recouvert d’une bibliothèque imposante. Certains livres semblaient
très vieux.
« Merci
de me recevoir à cette heure tardive, commença Elvira tandis que
Svenson lui tendait une tasse de thé fumant. Comme je vous l’ai
dit, je m’intéresse beaucoup à l’histoire de ce pays, à sa
culture et principalement à ses légendes.
-Oh, je suis
ravi de pouvoir partager mes connaissances. A quoi me
serviraient-elles si je ne pouvais pas les offrir à qui les
voudraient ? répondit le vieil homme au visage parcheminé, aux
cheveux poivre et sel et aux yeux d’un vert pâli par une cataracte
avancée.
-Je partage
votre opinion.
-Bien !
Par quoi souhaitez-vous commencer ?
-Eh bien,
j’ai entendu parler d’un mythe scandinave qui explique la façon
dont le Sjaelland fut né. Il s’agissait d’un roi…
-Gylfi, bien
sûr. Il fit don d’un morceau de son royaume –la Suède- à une
ase.
-Oui. Je me
demandais simplement, existe-t-il des détails plus précis ? Je
veux dire, le Sjaelland est malgré tout une île relativement
grande, si il me venait l’idée de… disons rencontrer cette ase,
où devrais-je la chercher ?
-Vous posez
là une question bien compliquée, mademoiselle. En fait il n’existe
pas de réponse dans les écrits, mais comme vous vous en doutez, les
choses sont parfois plus dites qu’écrites. Lorsque j’étais
enfant, ma grand-mère me racontait beaucoup de légendes, dont bien
souvent on ne trouvait trace dans les livres. Oh, bien sûr, je ne
garantis pas leur véracité, toujours est-il que l’une de ses
légendes était celle que vous évoquez. Selon ces récits oraux,
Gefjon, la ase à qui Gylfi fit don du Sjaelland, bâtit sa maison du
côté de l’Isefjord – au nord du pays-, sur une colline que l’on
dit protégée par un bouclier d’illusion, bordée par la forêt de
Kongsøre Skov. En fait ce rempart immatériel a pour fonction de
travestir la réalité, alors on ne peut voir la maison de Gefjon,
juste… une colline. Il est dit aussi que qui s’en approche d’un
peu trop près ressent immédiatement une peur irrationnelle qui les
pousse à rebrousser chemin. Bien sûr je n’ai jamais pu le
vérifier moi-même, plus jeune ma famille et moi n’avions guère
les moyens de quitter Kalundborg, ensuite, vieillissant j’ai perdu
le courage. Je sens que vous désirez voir de vous-même. Soyez
prudente, mademoiselle, l’inconnu est potentiellement dangereux,
vous savez.
-Je le sais.
Merci. Selon vous, où devrait normalement se trouver Yggdrasil ?
-Tout au
nord, je suppose ; quelque chose comme le large de la Norvège.
-Oui, cela
parait logique… Si l’on considère l’éventualité que ce mythe
fut le résultat d’une observation scientifique, il est probable
que les pôles soient un élément important. Bien, je ne vais pas
vous déranger plus longtemps. Vous m’avez été d’une aide fort
précieuse.
-Le plaisir
est pour moi, mademoiselle. N’hésitez pas à revenir me voir si
d’autres questions vous taraudent.
-Je n’y
manquerais pas. Au revoir. »
Elvira prit
congé, et aussitôt sortie de la demeure du vieil homme, tenta de
contacter Julia. Elle n’eut pas de réponse à son appel
silencieux, mais quelque chose en elle lui disait que le message
était passé.
En deux
jours elle avait déjà appris plus que ce qu’elle espérait.
Cependant elle décida de ne pas suivre tout de suite la piste
énoncée par Svenson, attendant de savoir si les autres avaient
découvert quelque chose. Il lui semblait évident de les attendre
alors qu’elle les avait fait venir pour l’aider.
La sensation
d’avoir été suivie se fit sentir à nouveau. Elle ne savait que
faire. Hurler ? Hurler quoi ? Montre-toi, que veux-tu ?
Bon sang, fais quelque chose ! Qu’espères-tu as me suivre
ainsi ?
Elvira ne
cessait de se demander pourquoi, qu’est-ce qui le motivais à agir
ainsi ? Julia avait dit qu’il n’y avait pas que de la haine
en lui, oui, mais en cet instant, qu’est-ce qui prend le dessus?
Cette part de haine, ou cette autre part, de l’amour peut-être ?
Non, non et non !
Et merde,
tiens ! Saloperies de questions inutiles, encore ! Cesse
donc de te tourmenter à cause de cette folie, elle ne sert à rien,
embrouille l’esprit et tue à petit feu.
Ils sont
lourds les instants où dès que l’on arrête de bouger, de
s’activer, les pensées se tournent vers celui qui n’est pas là.
Et ces pensées-là sont presque immanquablement vierges de toute
logique et de raison. Ces pensées-là abrutissent et n’amènent
aucun réconfort. Elles tuent. On a beau essayer de s’occuper,
elles reviennent toujours. Les mêmes questionnements se répètent
sans cesse, ils sont stupides et n’attendent aucune réponse. Alors
suffit, maintenant ! Il est temps de passer à autre chose.
Elvira n’aura pas de réponses ce soir, alors il est inutile
d’insister.
Et pourtant,
la solution était tellement évidente… Tellement évidente qu’elle
restait invisible. Quel gâchis…
Sous un ciel
sans étoiles, Elvira repartit dans son errance, tiraillée entre ses
questions stupides et l’envie de les fuir. Et Nathanaël caché
sous un porche délavé n’entendis pas ses plaintes, se contenta de
regarder et de penser à celle qui était trop là et dont il ne
pouvait détacher le regard.
Le lendemain
soir, Julia rejoint Elvira, accompagnée d’Erik et de Rachel. Ce
dernier n’avait rien trouvé d’intéressant, si ce n’étaient
les racontars de pauvres ivrognes.
Rachel quant
à elle, revenant du nord du Sjaelland, avait entendu des récits
identiques à celui de Svenson.
Le
surlendemain, ce fut au tour de Stephen et Astrid de rejoindre
Kalundborg. Geillis, Lüdwig et Klaus arrivèrent les deux jours
suivants, les uns après les autres.
Aucun d’eux
n’avait trouvé de témoignages probants, seulement des on-dit, des
récits de vieilles légendes, tous différents les uns des autres.
Ce qui revenait le plus souvent était la version rapportée par
Rachel et Elvira. Il fut donc logiquement décidé qu’ils iraient
chacun aux abords de la forêt de Kongsøre Skov.
Le départ
fut fixé au soir même. Il leur fallut louer une voiture
supplémentaire, celle d’Elvira n’étant pas assez grande pour
transporter tout le monde.
La route ne
fut pas longue, les quelques kilomètres qui séparaient Kalundborg
de Odsherred, près de l’Isefjord, furent avalés en moins de deux
heures à peine.
L’Isefjord
est une immense baie située au nord du Sjaelland, qui nait en fjord
et se termine en bras se jetant dans la Baltique. La forêt se situe
à l'est de cette baie, et s'étend sur 246 hectares.
Il y avait
là principalement des hêtres et quelques conifères. Ce paysage
était pour le moins atypique au Danemark - a plus forte raison au
Sjaelland -, pays qui très vite délaissa ses forêt pour des champs
de culture. C'est comme si personne n'avait songé à toucher cet
îlot de hêtres. Comme si quelqu'un ou quelque chose les en avaient
empêchés.
Le terrain
était relativement plat, seuls quelques tertres et collines
donnaient du relief à ce paysage plat, se détachant sur le ciel qui
n'était pas encore totalement noir. Sur ces collines trônaient des
antennes radio et autres structures du même genre, pointillés de
lumière blanche et jaune, sauf sur un petit nombre d'entre elles. Si
ce qu'avait dit Svenson était vrai, alors c'était sur l'une d'elles
qu'il faudrait espérer trouver Gefjon.
En tout et
pour tout, il y avait dix-sept collines sur lesquelles il n'y avait
aucune installation humaine. Les visiter une à une n'était pas
chose difficile, cependant plus le temps passait, plus Elvira se
demandait si elle ne courait pas après un mirage. Elle commençait à
se décourager.
De temps à
autres, Julia, Lüdwig ou Geillis la réconfortaient de leurs paroles
rassurantes.
Treize
collines visitées, treize echecs. Ce fut sur la quatorzième colline
qu'il se passa quelque chose d'intérressant.
Tout en
grimpant à travers les hêtres, Elvira aperçut un feu follet à la
lueur verdâtre qui serpentait dans le sous bois.
Puis
d'autres apparurent qui entouraient les visiteurs. Julia ne pouvait
cacher sa terreur. Tous s'étaient figés, attendant de voir ce qui
allait bien pouvoir encore arriver. Les feux follets dansaient,
sautillaient, virevoltaient tout autours d'eux, mais ne cherchaient
pas à s'approcher trop près d'eux. Comme s'ils n'avaient pas
l'intention de leur faire du mal.
Elvira
comprit alors qu'ils cherchaient simplement à les faire rebrousser
chemin. Pour garder Gefjon hors de toute atteinte.
Elle fit
alors un pas, deux pas, trois pas en avant, les créatures lumineuses
s'agitèrent de plus belle. Aucun mal ne lui serait fait, elle le
savait, mais plus elle avançait plus la peur en elle grandissait. Sa
volonté était cependant bien plus forte que sa peur, ce qui lui
permit d'avancer encore, jusqu'au sommet, laissant derrière elle ses
compagnons qui commençaient à reculer face aux feux follets.
Au sommet,
elle ne vit rien d'abord , seulement un parterre d'herbe fraiche.
Petit à petit elle se rendit compte de ce qu'il y avait d'anormal
dans ce cadre d'apparance banale. Elle le sentit plus qu'elle ne le
vit, ce vide sombre qui semblait se mouvoir, se tordre, comme un
champ magnétique, invisible mais perceptible.
Plus elle
avançait, plus ce champ devenait intense. Elle n'était plus qu'à
quelques mètres de sa source, lorsque d'un coup elle devint visible.
Une maison,
minuscule, assez haute pour qu'un adulte puisse y entrer, mais
véritablement petite, ses quatre murs ne devaient pas excéder le
mètre carré. Des runes étaient inscrites sur des pierres lisses
encerclant la batisse, également faite de pierres grises, rugeuses,
et couvertes de mousse. Les runes étaient lumineuses, elles
projetaient une lueur bleutée tout autours d'elles. Ce devait être
cela qui créait ce champ d'illusion qu'elle avait apperçu un
instant plus tôt, avant d'entrer dans le cercle que formaient les
pierres.
Prudente,
Elvira s'approcha de la maisonette aux dimensions étonnantes, et
frappa simplement à la porte en espérant que quelqu'un lui
ouvrirait.
La porte
s'ouvrit d'elle même, il faisait très sombre à l'intérieur. Sitôt
franchis le pas de la porte, l'obscurité s'évanouit, offrant à
Elvira la vision d'un salon lumineux, simple, et aux dimensions
normales, c'était comme entrer dans le Tarvis du Docteur Who.
Au centre
trônait une massive table taillée dans la pierre, sur laquelle
étaient posés un chandelier allumé, une jatte de terre remplie de
fruits murs, ainsi qu'un grand panier rempli de linge blanc. La table
était flanquée de deux grand bancs de bois marron gris. Un feu
faisait craquer du bois dans une grande cheminée de pierre, sur la
gauche. En face d'Elvira, une porte était ouverte sur l'extérieur.
Elle se
dirgea vers cette dernière, espérant que Gefjon serai là.
C'était le
cas, la déesse était là, assise sur un banc acollé à la maison.
Elle semblait regarder quelque chose au loin. Ses yeux étaient d'un
violet sombre surprenant, ses cheveux étaient noirs; deux fines
tresses attachées derrière sa tête par un petit lacet de cuir
encadraient son visage blanc. Elle parassait avoir une trentaine
d'année, sa peau était à peine marquée par le temps. Cela
semblait logique.
"
Bonj...
-Chut; fit
Gefjon en portant son doigt blanc contre ses lèvres roses. Regarde,
il va se poser.
Elle
pointait au loin un oiseau d'un blanc étincellant. Ses plumes, son
bec, ses pattes étaient blanches. Il avait la queue comme celle d'un
serpent, le bec comme celui d'un aigle, et n'était pas plus gros
qu'un corbeau. Il décrivait des cercles autour d'un arbre sans
feuilles, descendant en spirale. Puis il se posa, gracieusement,
ramenant ses ailes d'un blanc immaculé sur son petit corps tout
aussi blanc.
- C'est un
caladre. Tu n'en avait jamais vu avant?
-Non, admit
Elvira.
Elle n'avait
jamais rien vu de tel.
- Le caladre
est un oiseau guérisseur. Il peut prendre sur lui les maux des
hommes et ainsi les guérir.
-Il est
magnifique.
-Oui, il
l'est. J'aime le voir se poser. Il s'apelle Mevgr.
Elle
détourna ses yeux du caladre pour regarder Elvira, et sourit.
- Je ne sais
pas qui tu es ni d'où tu viens, commença-t-elle, mais si tu as
réussi à entrer chez moi, c'est que tu es quelqu'un de peu
ordinaire.
-Je m'apelle
Elvira, je suis un vampire.
-Ca je
l'avais remarqué. Que cherches-tu ici? Existe-t-il une chose dans ce
monde qui mérite un tel acharnement? Tu as résisté au sort
d'illusion que j'ai dréssé autour de ma maison. Cela fait plus de
mille ans qu'il est là, et jamais personne n'est parvenu à franchir
les petits démons. Tu dois bien te douter que si j'ai fait cela,
c'était pour que justement personne ne vienne troubler ma demeure?
Il y a ici quelque chose que personne ne doit trouver.
- J'ignore
de quoi vous voulez parler, je ne suis pas là pour dérober quoi que
ce soit. Je cherche quelqu'un. Il s'apelle Zhoran.
-Je connais
bien cette créature, je te déconseille de t'approcher de lui.
-Je le dois
pourtant. Il a une chose importante à me révéler à propos de mon
passé. J'ai besoin de le voir, de lui parler.
- Après
tout, fait ce que bon te semble, mais je t'aurais prévenue, cette
chose là est complètement folle, il ne dit jamais rien que l'on
puisse comprendre aisément, il parle par images. Il ne cherche pas à
aider les personnes qui viennent à lui, parce qu'il n'y trouve aucun
intérêt, ce n'est pas sa fonction. Je peut en dire d'avantage sur
Zhoran, tu connais son nom, tu sais aussi sans doute qu'il est
métamorphe. Certains racontent qu'il est le fils de Hypnos, le dieu
grec du sommeil. Hypnos est le fils de Nyx, la déesse de la nuit, et
frère de Thanatos, dieu de la mort. Joli portrait de famille
n'est-ce pas?
On dit
également qu'il est lié aux différentes divinités représentant
la discorde. Ainsi il serait affilié à Loki.
Personne ne
sait très exactement d'où il vient, c'est comme s'il avait toujours
été là. Il est en tout cas assez vieux pour avoir enfanté toutes
les créatures métamorphes.
Zhoran est
un personnage absurde, il n'est en rien comparable à tout ce que tu
connais.
Je comprend
pourquoi tu es venue jusqu'à moi. Tu t'es dit qu'une déesse
scandinave saurait où trouver l'arbre monde dans lequel vit Zhoran.
-C'est
exact. Où est-il?
-Tu dois
d'abord savoir que Zhoran ne vit pas tout à fait dans Yggdrasil. Tu
te doute bien que cet arbre n'existe pas vraiment. C'est un symbole.
Je suis une ase, je ne vit pourtant pas en Asgard. Du moins pas tout
à fait. Je ne suis d'ailleurs à proprement parler pas une déesse,
au sens où les humains l'entendent.
Les dieux,
quels qu'ils soient, qu'ils soient celtes, scandinaves, grecs,
egyptiens, ou d'ailleurs, sont des créatures anthropomorphes
associés à un élément ou à une histoire, en fonction de leurs
pouvoir. Zeus, par exemple, contrôlait la foudre. Les hommes en ont
fait le dieu du ciel, mais c'était juste un homme qui faisait
pleuvoir les éclairs. Les hommes sont friands d'allégories, et ces
créatures immortelles qui tenaient les éléments de la nature sous
leur contrôle faisaient d'excellentes allégories.
Yggdrasil
est une allégorie du monde en mouvement. Il représente le cycle de
vie, les saisons qui s'enchainent.
Les mondes
qu'il porte sont quant à eux rééls. N'as-tu pas remarqué que le
monde d'où tu viens , et le monde qui s'étend face à toi sont
différents? Nous sommes pourtant géographiquement toujours au même
endroit, dans le même pays. Ce n'est pas tout à fait Asgard, mais
dans l'idée, c'est à peu près ça.
Il existe
différents mondes. Tu viens de Midgard, tu es ici dans un monde où
vivent les créatures de légende. Il existe d'autres mondes, mais
ces deux là sont ceux que tu dois pour l'instant connaitre.
Zhoran ne
vit pas dans un arbre, mais dans un monde aux frontières de tous les
autres.
-J'ai peur
de ne pas comprendre...
- Imagine,
disons, une forme simple, une étoile dans un polygone. Chaque
branche de l'étoile représente un monde, celles-ci sont reliées
par les faces du polygone. En réalité, il y a beaucoup plus
d'embranchements que ça... c'est comme un réseau complexe. Mais ce
qui est important, c'est le centre de l'étoile. Il est la jonction
de tout ces mondes. C'est là que vit Zhoran.
- Et comment
je peux le trouver?
- Comme tu
m'as trouvée, moi. Je suis gardienne d'un de ces... embranchements.
Ma maison est un passage entre deux mondes distincts, et elle n'est
pas la seule. Il y a beaucoup d'autres gardiens et gardiennes de par
le monde. Zhoran est en quelque sorte lui aussi un gardien, mais ce
qu'il garde, lui, c'est le centre de toute choses. Il protège ce qui
fait tenir les mondes en place. Sa "porte" est par
conséquent plus difficile à débusquer, mais pas impossible. Le
lieu n'a pas réélle importance. Il est en principe là où on
s'attend qu'il soit. Il pourrait se trouver en Alabama autant qu'au
Liban, ça n'a pas d'importance. Ton appel doit être assez fort pour
qu'il se présente lui même à toi. Cependant, tu as plus de chance
si tu te rapproche des pôles. Je ne saurais pas t'expliquer pouquoi,
mais le fait est. Sans doute est-ce dû à l'activité magnétique,
ou bien du fait de l'activité solaire... Je ne le sais pas. Quoi
qu'il en soit, lorsque tu aura atteint le lieu qui te semblera être
le bon, tu devra le faire venir à toi. Pour cela, il n'y a pas
vraiment d'instructions à suivre, tu devra simplement ouvrir ton
esprit, et apeller son nom. Il te trouvera lui-même.
- C'était
si simple que ça?
- Oui, mais
tu ne pouvais pas le savoir sans avoir posé la question, non?
-Bien sûr.
- Retournes
maintenant d'où tu viens, et garde pour toi ce que tu as vu ici. Les
portes qui mènent d'un monde à l'autre sont dissimulées, il y a
une raison à cela.
-Je me
tairais.
-Bien. Je te
souhaite bon courage. Adieu.
-Adieu."
Elvira
quitta Gefjon sur ces mots. La minuscule batisse entourée de pierres
runiques disparut au fur et à mesure qu'elle s'en éloignait. Les
feux follets étaient toujours là, ils la laissèrent passer sans
encombre.
Au pied de
la colline, elle retrouva ses compagnons, qui attendaient; qui assis
sur un rocher ou à même le sol, qui faisant les cent pas.
Sans leur
dévoiler ce qu'elle avait promit de taire, elle révéla ce que
Gefjon lui avait apprit au sujet de Zhoran.
Se
rapprocher du pôle serait la prochaine étape. Avec Rachel et Julia,
Elvira détermina un plan de route. Le plus proche point du pôle
nord géographique en Scandinavie était le littoral de la mer de
Barents, ou l'île de Svalbard en mer du Groenland. On pouvait
accéder au littoral en passant par la Suède et la Norvège, et
atteindre l'île grâce à la banquise d'hiver, en contournant la mer
de Barents à l'est. Il leur faudrait se renseigner sur
l'accéssibilité de l'archipel, il y aurait peut-être un moyen plus
simple.
Le mieux
aurait sans doute été de se rapprocher au plus près du pôle
magnétique qui se situe entre les îles canadiennes de Melville,
Ellesmere et Devon, cependant Elvira n'estimait pas que ce soit
nécessaire, étant donné que, comme l'avait dit Gefjon, Zhoran
apparaissait là où on désirait le trouver.
Elvira
décida qu'il lui apparaitrait sur l'île de Svalbard. Ce nom lui
inspirait de bons augures, sans qu'elle ne sache réellement
pourquoi.
Ensemble ils
repartirent vers Copenhague dans la nuit, puis le lendemain soir
empruntèrent le pont qui menait à Malmö, en Suède.
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